Les peintures de Michel Gayard offrent à voir ce que l’on appelle ordinairement des paysages intérieurs. Du moins appartiennent-elles à ce genre de production portée par la nécessité intérieure dont Kandinsky a montré en son temps le mode de fonctionnement.
Abstraites, ses peintures en appellent à un usage conventionnel de l’huile ou de l’acrylique sur toile d’un format relativement important, souvent carré, qui souligne l’affirmation du tableau en tant que tel et qui le fait basculer encore plus dans l’abstraction.
Ce sont des morceaux de monde. Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’il y a au-delà. Parfois, je prends une loupe, je scrute un de mes espaces improbables et ce que j’y vois me donne envie de ne sélectionner que cette partie pour en faire une œuvre entière, dit-il
À l’origine du tableau, il y a forcément une intention, celle de rendre une sensation colorée de la façon la plus vraie possible, de telle sorte que l’on ait envie de s’enfoncer dans le tableau comme dans un paysage. Il faut passer du temps, beaucoup de temps à arpenter la surface pour la connaître.
Comment peindre l’émergence des brouillards, la substance de l’ombre et de la lumière ? Comment dire l’essence des choses sans en dessiner le contour et sans aller jusqu’au détail reconnaissable ?
Dessiner près des choses plutôt que d’après elles, écrit Michel Gayard.
Il y a un côté peinture des premiers âges, recherche des émotions pures, désir de revenir à un espace simple, viscéral – proche de notre instinct. Aux limites du rêve, juste avant le sommeil, là où la conscience s’abandonne – avant la culture.
Toutes ses peintures ont un rapport avec des parois, des grottes ou des trouées. Comme si on voulait regarder à l’intérieur, pénétrer l’obscurité. Faisceaux de lignes, de plans, de formes, qui nous obligent à dépasser la vision habituelle pour aller, par à-coups, voir la véritable réalité sous la surface. Tout est en suspens: idées, odeurs, particules de matière. Chaque parcelle du tableau comme un tremplin nous entraîne en avant, creuse un peu plus l’espace, se fraie un chemin pour atteindre la profondeur.
Ma peinture est le seul moyen que j’ai pour m’exprimer complètement… avec la cuisine, explique-t-il dans un éclat de rire qui lui va bien.
Michel Bonniel – 2009