Voyage intérieur

Certains hommes aiment à voyager. À l’intérieur de la lumière, d’une cellule d’eux-mêmes. À l’intérieur du voyage même. Certains n’en font que des constats. D’autres y trouvent autant de prétextes à transpercer le silence.

Gayard nous projette dans un monde de paix, ouvre une porte, une fenêtre et nous invite au voyage. Il nous introduit dans un univers proche de l’abstraction où l’on retrouve associations et références au réel : les formes expriment l’espace, secrètent la lumière.

Gayard va au-delà des apparences. Il intériorise intensément ce qu’il voit, écoute ce qu’il perçoit, interroge le mystère de l’existence. L’artiste livre une vision qui réfléchit l’ordre, l’équilibre et l’harmonie. Chargée d’un sens profond, elle éveille une réflexion métaphysique, réveille le rêve par sa poésie.

Peintre, dessinateur, dessins, peinture, l’œuvre du peintre et celle du dessinateur s’influent mutuellement. On retrouve dans les deux un travail lent et réfléchi, une organisation rationnelle de l’espace, qui ne laisse pas de place au hasard. Gayard s’obstine à suivre sa propre voie et évite toute entrave à sa liberté. Sans cesse, il poursuit son travail de recherche : son dessin possède un dynamisme visuel très fort qui résulte d’un langage où tout est fondé sur un jeu d’oppositions : pleins, vides, ombre et lumière, tout n’est qu’illusion plastique. Il dirige notre regard en laissant souvent autour de sa composition une marge de blanc qui joue un rôle d’écran, de repoussoir visuel pour l’œil.

Son parcours a des haltes intimistes, secrètes. Le bouillonnement est à l’intérieur de chaque bulle, comme des gonflements insidieux et irréversibles. Huiles ou encres sur papier, projections, Gayard a la parfaite maîtrise de la technique. Il privilégie le murmure pour mieux capter notre attention et son propos a des plages baignées de poésie ou l’irrationnel se fait conte.

Michel Salt – 1986